Voila, c’est terminé. L’arbitre vient de siffler la fin du match. Sans le savoir, sans y penser forcément, il vient aussi de siffler la fin d’une carrière. Dernier match de la saison, dernier match tout court pour certains.
Il n’y a pas si longtemps, c’était hier. Le joueur se revoit, accompagné par ses parents. Il allait s’inscrire à l’école de rugby du coin. Mini poussin, haut comme deux ballons, les chaussettes aussi larges que les genoux. Et puis les benjamins, les minimes, les cadets, les juniors, les copains, le cul par la fenêtre du bus, les premières troisième mi-temps, le jeu, le ballon, l’odeur du clan.
Clap de fin sur une carrière.
Début d’une autre vie avec un autre rugby. Celui des souvenirs, mais aussi peut être, celui de la transmission et du temps à donner à son club de toujours. Educateur, dirigeant ou simple supporter, il ne pourra pas quitter 30 ans de vie comme ça, sur un simple coup de sifflet. Il aura tout connu, le meilleur comme le pire. Les belles victoires, les sales défaites, les blessures, les honneurs ou l’anonymat. Qu’il ait joué en top 14 ou en quatrième série, il aura donné tout ce qu’il avait pour son club.
L’arbitre a sifflé et c’est fini. Il remerciera une dernière fois le public. Ses coéquipiers le porteront peut être en triomphe. Ses adversaires du jour, viendront lui serrer respectueusement une dernière fois la main, et il rentrera une dernière fois dans ce vestiaire si secret. Il gardera son short et ses chaussettes et rendra son dernier maillot qui servira l’année prochaine à son remplaçant. Une dernière troisième mi-temps avec les copains, les adversaires et les supporters et il rentrera chez lui.
Dernier match, dernières douleurs. Il sait qu’il ne connaitra plus jamais l’odeur du vestiaire, les discours de l’entraineur, l’attente de l’appel de l’arbitre, le couloir. Tout ça est fini. Demain, il sortira une dernière fois ses affaires du sac. Il mettra tout au sale, comme chaque fois. Il prendra ses derniers crampons, et s’en ira les raccrocher quelque part. Comme un symbole, il raccrochera les crampons pour de vrai. Pas forcément à la vue de tous, mais bien visible pour lui, pour qu’il n’oublie jamais. A l’atelier, là, ou il aime bricoler seul. Ses crampons seront près de lui, bien accrochés à un clou quelconque. Les mois passeront, les années aussi et, un dimanche de printemps, à la saison des fins de saison, il découvrira amusé que sa dernière paire de crampons a trouvé une autre vie, un autre rôle. Un couple de rouge-queue est venu y faire son nid. Il a trouvé que cette paire de chaussures accrochée au mur serait parfaite pour voir grandir ses petits.
De mini-poussin à mini oisillon, la boucle est bouclée, et la vie continue en ovalie.